Rencontre avec Justine Assaf, metteur en scène et comédienne.
Cette pièce « Les Femmes savantes » de Molière aborde des thématiques universelles, celles-ci sont toujours aussi pertinentes vous pensez aujourd’hui ?
Elles le sont, oui, après dans ma mise en scène, j’ai décidé de tirer d’autres fils : on parle aussi de prédation sexuelle, d’emprise, du danger de la célébrité…
Des sujets en lien direct avec l’actualité…
Oui, cela dit, un seul personnage sert cette problématique et n’est pas présent pendant tout le spectacle. En fait, la pièce de Molière n’est pas du tout féministe, on se trompe. On pense qu’elle va l’être, mais en réalité pas du tout.
Quel est l’objectif que vous poursuivez avec cette pièce ?
Ce qui m’importait, c’était de faire entendre le texte tout en faisant comprendre que je n’y adhérais pas. Tel était l’enjeu.
Quelles techniques employez-vous concrètement pour traduire cette idée…
Il y a des passages, quand on étudie le texte, où l’on comprend la pensée de Molière, terrible pour les femmes. Le personnage par lequel Molière transmet sa parole dit quand même dès le premier acte : «Je consens qu’une femme ait des clartés de tout, – Mais je ne lui veux point la passion choquante – De se rendre savante afin d’être savante; – Et j’aime que souvent, aux questions qu’on fait, – Elle sache ignorer les choses qu’elle sait.. » Et donc en résumé, c’est cool que les femmes fassent des études mais qu’elles ne la ramènent pas… Au début, j’avais coupé les passages qui m’agaçaient dans la pièce, mais cela ne marche pas, donc je les ai remis et mis en lumière par la manière dont jouent les comédiens, c’est ce qui permet de montrer que l’on n’adhère pas.
Ces femmes veulent à tout prix devenir savantes à en devenir ridicules en définitive dans la pièce…
J’essaye de les rendre moins ridicules mais en même temps dans l’acte 3, l’une d’entre elles dit qu’elle voit très clairement qu’il y aura un jour des hommes sur la lune, mais quand il l’écrit, Molière, se moque d’elle. Elles s’attachent particulièrement à la langue. Le savoir, c’est le pouvoir, mais pas uniquement vis à vis des femmes également eu égard aux différents de milieux sociaux, et du coup pour Philaminte, il est très important que ses filles aient accès au savoir ce qui marche très bien avec l’aînée, mais pas avec la cadette qui n’en a rien à faire. Et c’est là que survient le problème, du coup, sa mère pense que le mieux pour sa fille est de la marier à un savant afin qu’elle accède quelque part au savoir.
Pourquoi avoir choisi de situer l’action dans les années 1980 ?
Nous sommes actuellement dans une nouvelle révolution féministe qui permet d’aller encore plus loin notamment par rapport au corps, donc pour moi cela ne marchait pas de la situer aujourd’hui. Dans les années 1980, on sort du deuxième féminisme, de de Beauvoir, donc cela fait sens. En ce qui concerne la prédation sexuelle, on est très en retard. Quand on a commencé à travailler sur ce spectacle, c’était après « MeToo » et le scandale Matzneff. Ce qui m’a intéressée avant tout, c’est de comprendre comment ces femmes des années 1980, des mères qui sont éduquées, artistes, ont envoyé leurs filles chez des hommes de pouvoir, de renommée en tout cas, en disant « quitte à choisir, c’est bien parce qu’il est célèbre ». Je pense que c’est moins possible aujourd’hui. »
Samedi 4 mars, à 21h, à la Croisée des arts, Mise en scène : Justine Assaf assistée de Cécile Peyrot.
Interprétation : Justine Assaf, Antoine Fichaux, Cécile Peyrot, Frédéric Onnis.
Production l’aparté (13)
Durée : 1h30 – Tout public , Tarifs : 18 euros.
Proposé par le service culture de la Ville.